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Il faut modifier le projet de loi sur le Conseil de l’enseignement de la Jamaïque !

Suite à l’adoption récente d’un projet de loi sur le Conseil de l’enseignement de la Jamaïque (Jamaica Teaching Council - JTC), les dirigeant·e·s de la Jamaica Teachers’ Association (JTA) et du Caribbean Union of Teachers (CUT) ont exprimé leur profonde inquiétude quant aux conséquences que cette loi va impliquer pour l’autonomie des enseignant·e·s et l’avenir de l’éducation en Jamaïque, notamment un risque d’exode des éducateur·trice·s.

Un risque d’exode des éducateur·trice·s

Le président de la JTA, Mark Smith, a averti que le projet de loi adopté par la chambre haute du Parlement de Jamaïque (Sénat) le 25 avril 2025 pourrait inciter de nombreux·euses enseignant·e·s à partir à l’étranger pour bénéficier de meilleures conditions de travail. « Si ce projet de loi est approuvé en l’état, nous pourrions voir un nombre important de nos enseignants quitter le pays. Le projet de loi va trop loin et ne répond pas aux besoins de nos éducateurs et éducatrices », a fait remarquer M. Smith. Il a également insisté sur le fait que plusieurs pays sont déjà prêts à accueillir des enseignant·e·s jamaïcain·e·s, facteur qui participerait à l’exacerbation de la crise de la migration des enseignant·e·s.

Un appel à l'unité

Malgré les difficultés, M. Smith a instamment appelé les enseignant·e·s à s’unir et continuer de défendre la mise en place de changements significatifs. « Nous devons rester unis et faire pression pour obtenir un projet de loi qui soutienne réellement le développement professionnel et l’autonomie de nos éducateurs », a-t-il déclaré. La JTA s’est engagée à prendre toutes les mesures possibles pour empêcher que ce projet de loi ne soit voté sous sa forme actuelle, prenant ainsi position contre l’approche utilisée par le gouvernement.

M. Smith a poursuivi en expliquant : « Nous demandons à nos décideurs et décideuses politiques de reconnaître que l’éducation constitue le meilleur investissement qu’un pays puisse faire pour son avenir. Après deux décennies de plaidoyer acharné sur ce projet de loi, la JTA se sent trahie, car ce qu’il contient ne montre aucun effort significatif pour tenir compte des préoccupations majeures qui ont été évoquées par les enseignants et enseignantes. Nous ne sommes pas opposés à la professionnalisation du service enseignant ; c’est quelque chose que nous soutenons, mais nous estimons que la méthode adoptée est maladroite. Le projet de loi censé professionnaliser le service enseignant semble davantage obsédé par les sanctions punitives et par le fait de priver les enseignants et enseignantes de la maîtrise de leur profession. Nous sommes favorables à tout projet de loi qui leur donne les moyens de s’autonomiser et d’agir sur leur profession. »

Il a également été catégorique sur le fait que « la JTA continuera à défendre sans réserve les droits des enseignants et enseignantes à disposer d’un plus grand pouvoir d’action et d’une meilleure administration de leur profession, comme c’est le cas pour tous les autres secteurs et pour toutes les instances de réglementation en Jamaïque. Ce projet de loi ne doit pas être approuvé sous sa forme actuelle. Les enseignants et enseignantes de Jamaïque n’accepteront pas ce que nous considérons comme une trahison. Néanmoins, nous poursuivons notre travail de plaidoyer et appelons à l’unité parmi nos rangs. La vérité est qu’il n’y a qu’un seul groupe qui profite de l’affaiblissement de la JTA, et c’est le parti qui compose le gouvernement, quel qu’il soit. Nous ne devons jamais oublier cela. L’empreinte de la majorité comme de l’opposition se retrouve dans ce projet de loi, alors ne nous laissons pas diviser dans nos tentatives d’avancer. »

Un appel au changement

Mark Nicely, secrétaire général de la JTA, a ajouté que son syndicat avait toujours posé les mêmes questions aux différents ministres de l’éducation qui s’étaient succédé dans le temps. « Nous avons demandé : Monsieur le ministre, aimez-vous les enseignants et enseignantes? Aimez-vous les enfants de la nation ? Accordez-vous de l’importance au système éducatif jamaïcain ? Ils ont tous répondu par l’affirmative. Alors, nous avons rétorqué : Modifiez le projet de loi ! »

Le communiqué de presse de la JTA daté du 4 mai 2025 contient également cette déclaration : « Nous voulons que le gouvernement et l’opposition comprennent bien que la profession enseignante jamaïcaine n’oubliera jamais la participation des partis à l’approbation de ce projet de loi totalement imparfait s’il est adopté en l’état. Les enjeux sont considérables. Nos enseignants et enseignantes, nos élèves et l’avenir de la société jamaïcaine sont à risque. Nous exhortons donc les décideurs et décideuses politiques à reconsidérer le projet et à procéder aux amendements nécessaires proposés par la JTA et d’autres parties prenantes depuis 2014 afin de garantir que la version finale du projet de loi représente un soutien et une amélioration véritables pour la profession enseignante. »

Des inquiétudes concernant l’autonomie des enseignant·e·s

Garth Anderson, président du Caribbean Union of Teachers (CUT), a exprimé des sentiments similaires et a dénoncé les risques d’abus qu’implique le projet de loi sur le JTC. « Le pouvoir qu’aurait le ministre de nommer 23 des 31 membres du conseil d’administration est quelque chose d’alarmant. Ce projet de loi semble moins intéressé à professionnaliser le métier d’enseignant qu’à en contrôler ses acteurs », a-t-il déclaré. Il s’est interrogé sur les raisons d’un tel projet de loi, suggérant qu’il pourrait conduire à des mesures punitives à l’encontre des éducateur·trice·s.

M. Anderson a également souligné le mépris des normes de la Communauté caribéenne (CARICOM) pour la profession enseignante, qui préconisent l’inclusion de la voix des enseignant·e·s dans les processus législatifs. « Le gouvernement semble ignorer ces normes, ce qui est préoccupant pour l’avenir de l’éducation dans la région », a-t-il affirmé.

Dans sa déclaration de solidarité datée du 7 mai 2025, le CUT souligne qu’il « a suivi de près l’évolution du projet de loi sur le JTC et qu’il est conscient des graves préoccupations de la JTA que suscitent certaines dispositions de la loi telle qu’elle a été adoptée par le Sénat. En tant qu’organisme régional représentant les syndicats d’enseignants et enseignantes dans les Caraïbes, le CUT reconnaît l’importance capitale d’une représentation solide et indépendante de la profession enseignante dans le processus législatif qui a un impact direct sur la vie professionnelle, les droits et les responsabilités des enseignants et enseignantes. »

Le CUT « soutient également la position de la JTA selon laquelle, si la création d’un Conseil de l’enseignement peut constituer une étape positive vers le développement et la réglementation professionnels, le cadre doit respecter les droits de la profession enseignante, garantir une procédure régulière et reposer sur un véritable partenariat entre le gouvernement et la corporation enseignante.

Il est également « convaincu qu’une législation efficace concernant la profession enseignante doit être le fruit d’un dialogue et de négociations approfondies entre le gouvernement et le syndicat des enseignants et enseignantes. L’expertise et les points de vue des enseignants et enseignantes en exercice, représentés par la JTA, sont inestimables pour élaborer des politiques pratiques, applicables et, finalement, bénéfiques pour la qualité de l’éducation et le bien-être des éducateurs et éducatrices. »

Une lutte cruciale pour le syndicalisme de l’éducation dans les Caraïbes

Enfin, le CUT « insiste sur le fait que l’unité et la solidarité des syndicats d’enseignants et enseignantes sont primordiales pour défendre les droits et le statut professionnel des éducateurs et éducatrices dans toute la région. La situation en Jamaïque est d’une importance régionale et le CUT s’engage à soutenir la JTA dans sa quête d’un projet de loi sur le JTC qui serve véritablement les intérêts de la profession enseignante et le système éducatif en Jamaïque. »

Alors que le débat se poursuit à la Chambre des représentants (chambre basse), l’avenir du projet de loi sur le JTC reste incertain. Cependant, l’opposition unifiée de la JTA et du CUT met en lumière le besoin impérieux d’un cadre législatif qui soutienne et autonomise réellement les enseignant·e·s en Jamaïque.